Vous êtes l’auteure de la nouvelle méthode I Love English School. Elle s’adresse aux enfants dès la grande section de maternelle, n’est-ce pas un peu tôt ?
Non, ce n’est pas du tout trop tôt, au contraire ! Les chercheurs ont prouvé que la période propice pour l’intégration des nouveaux sons se situe vers 6 ans. L’oreille est très réceptive aux nouveaux sons étrangers par rapport à la langue maternelle jusqu’à cet âge-là. Après il y a des phases de régression, la capacité à retenir tous ces sons diminue et s’installe même une sorte de surdité. A partir de 14 ans, cette spongiosité est définitivement perdue. D’où la nécessité de mettre l’enfant très tôt dans un bain linguistique. Certains pays, comme la Finlande, qui caracole en tête des études Pisa, plongent les enfants tout petits dans ce bain linguistique. Je suis convaincue que l’apprentissage d’une langue étrangère peut se faire dès le plus jeune âge et je préconise cette découverte précoce dès la GS. Cela va d’ailleurs dans le sens des instructions officielles.
Quels scénarios pédagogiques proposez-vous ?
L’objectif premier de la méthode est d’entrer par les compétences orales, il n’y a aucune trace écrite en tant que telle. Chaque séquence suit le même scénario, avec des activités variées. En premier lieu, on cible 4 à 5 mots de vocabulaire et on présente le lexique. Il s’agit d’une présentation orale, les élèves doivent rester passifs et écouter. L’enseignant doit être bien exigeant pendant cette première phase : pour bien s’approprier une intonation, les élèves doivent écouter et ne rien prononcer. L’enseignant qui ne fait pas confiance à son intonation peut s’appuyer sur les CD audio, fournis avec la méthode. Au cours de la deuxième étape, l’élève écoute et comprend. On va présenter des petits jeux qui vont permettre aux élèves d’être réactifs par rapport à une consigne. On peut par exemple leur demander de montrer une des flashcards (des images au format A4 fournies avec la méthode). La troisième étape implique un transfert : on commence à mettre en bouche le lexique appris et mémorisé. On apprend à l’élève à le restituer oralement. Enfin, la dernière étape consiste à intégrer ce lexique dans une structure langagière afin de placer l’élève dans une situation de communication. Cette séance arrive en toute dernière phase du scénario, car c’est celle où l’élève réinvestit tout ce qu’il a appris. Il s’agit de glisser ce qu’il connaît dans une phrase très simple, pour que la finalité de communication soit au rendez-vous.
Quelle est l’originalité de votre démarche pédagogique ?
La situation de langue étrangère et la transdisciplinarité. Je voudrais surtout prouver aux enseignants qu’apprendre une langue ne se limite pas à une activité centrée en classe. J’amène l’enseignant à la transférer dans une autre situation : à sortir de sa classe, à utiliser ce qui a été appris en séance d’anglais dans une autre activité. Ça passe par les arts visuels, l’EPS, cela peut se faire aussi en sciences ou en maths… Il faut amener l’élève à s’approprier tout ce qui va être intégré mentalement. On extériorise cet apprentissage, on l’ouvre, on le fait vivre, pour qu’il y ait une envie de communiquer.
Pouvez-vous nous donner des exemples de transdisciplinarité ?
Après la séance de découverte lexicale des animaux, je propose une activité en EPS, une chasse au trésor dans la cour. Je fais aussi appel à la structure langagière précédemment acquise : « Go and find ! » Puis je leur donne comme consigne, par groupe, « Go and find !… » et j’ajoute le nom en anglais d’une figurine d’animal que j’ai cachée dans la cour. Je place ainsi les élèves en totale autonomie : ils ont écouté, ils ont compris, ils ont un animal à retrouver et ce jeu implique leur corps. Je suis convaincue que l’apprentissage doit passer par d’autres phases que le transmissif avec l’enseignant. Il faut que l’élève ressente des choses. La chasse aux animaux en est une illustration. On est impliqué. Il est nécessaire que des situations soient vécues pour que cette situation d’apprentissage prenne du sens. De retour dans la classe, au-delà du réinvestissement langagier, il y a un prolongement pédagogique très pertinent : je demande aux élèves d’identifier sur un plan de l’école, préalablement photocopié, à quel endroit l’animal a été retrouvé. C’est un travail de spatialisation très complexe pour un petit : passer de la 3D à la 2D. On est dans la transdisciplinarité : la langue étrangère a servi de découverte et de support, de glissement d’une discipline vers une autre, on est dans un transfert mathématique sans s’en rendre compte.
Est-ce que tous les enseignants peuvent se lancer dans cet apprentissage ?
Tout enseignant est par définition polyvalent, tous les enseignants peuvent avoir à enseigner une langue étrangère. On pense toujours, à tort, que c’est l’affaire de spécialistes. Mais la méthode se veut facilitante, elle sert de guide pour celui qui aurait des appréhensions. Nous avons bien conscience que tous les enseignants ne sont pas égaux, et nous souhaitons les accompagner, de manière très proche, en les mettant en confiance. Le support audio, par exemple, permet la correction linguistique, mais on n’est pas obligé de s’en servir si on se sent à l’aise. Tout le monde peut enseigner l’anglais à des tout-petits, avec un bon outil comme support.
Quels conseils donneriez-vous à un enseignant débutant ?
D’abord de rechercher du plaisir. On ne peut pas amener les élèves à construire quelque chose si à la base l’enseignant n’a pas ce plaisir à transmettre. Ensuite, d’être vigilant, de rester sur des apprentissages très simples et de ne jamais s’éloigner de l’oral. Enfin d’orienter chaque séance vers la communication : entre lui et les enfants puis les enfants entre eux. Bref de ne pas oublier qu’il s’agit d’une langue vivante et qu’il s’agit de la faire vivre à ses élèves !