Avec les recommandations de la Haute Autorité de santé livrées en septembre 2024, le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) chez l’enfant est sur le devant de la scène. Avec son lot de questions. S’agit-il d’un phénomène de mode ? Les écrans le favorisent-ils ? Le pédopsychiatre Olivier Bonnot explique ce trouble du neurodéveloppement dans les colonnes du nouveau magazine Zèbres & Cie, dédié à la neurodiversité. L’occasion de démonter quelques idées reçues afin de mieux accompagner ces élèves à besoins particuliers.
Face à certains élèves particulièrement « étourdis » ou « agités », vous vous posez peut-être la question du TDAH… L’idée mérite d’être étudiée puisque selon les chiffres de l’Assurance Maladie, le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) concerne 5,9 % des moins de 18 ans et 2,8 % des adultes. S’intéresser au sujet est d’autant plus utile que les enseignants, comme les familles, se sentent souvent démunis devant les enfants et ados atteints de ce trouble du neurodéveloppement.
Alors, pour éviter les échanges inefficaces et les conflits épuisants, il est important de mieux comprendre les symptômes. C’est ce que propose le nouveau magazine Zèbres & Cie qui donne la parole au professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’université Paris-Saclay, Olivier Bonnot. Il a également cosigné avec Laurence Ollivier, orthophoniste au CHU de Nantes : Et si c’était un TDAH ? (éd. Marabout). Dans cet ouvrage destiné aux parents, proches et enseignants, les auteurs partagent leurs expériences et recommandations pour aider à repérer les principaux signes, faciliter diagnostic et prise en charge.
Enfants atteints de TDAH : repérer et informer
Quand doit-on se poser la question : et si c’était un TDAH ?
La question du diagnostic doit se poser dès lors que l’enfant et la famille souffrent du retentissement des symptômes (mauvais résultats et incompréhensions à l’école, impossibilité d’assister aux réunions de famille…) et que des conseils simples pour adapter les méthodes éducatives (organisation du temps de l’enfant avec fractionnement des tâches à accomplir, valorisation, etc.) ne fonctionnent pas. Ces signes, que les parents repèrent chez leurs enfants, peuvent les amener à s’interroger.
- Le trouble de l’attention
C’est le signe principal. Il se traduit par l’impossibilité ou la difficulté à se concentrer – et à le rester – sur une information, un objectif ou une action simple. Ce n’est pas par manque d’intelligence ni mauvaise volonté, mais lié à des capacités de concentration plus faibles : elles cèdent à la moindre distraction (visuelle ou sonore). Ce n’est pas toujours facile à observer, mais cela peut se traduire par l’impression d’avoir le cerveau en ébullition permanente. Et c’est épuisant.
- L’impulsivité
Le manque d’inhibition lié à un défaut d’autocontrôle de ses actions et de ses réactions est l’autre signe majeur du TDAH.
- L’hyperactivité
C’est le signe, le plus visible et le plus bruyant, qui amène le plus fréquemment en consultation. Souvent présente, mais non nécessaire pour le diagnostic, l’hyperactivité n’est pas seulement motrice. Elle peut aussi être psychique.
On observe également une faible estime de soi : 50 % des enfants avec un TDAH ont une forme de dépression.
Comment diagnostique-t-on ce trouble?
Il n’existe pas de test simple, d’examen biologique ou d’imagerie cérébrale qui permet d’objectiver un TDAH. On peut toujours s’autodépister en se reconnaissant dans certains signes que l’on partage tous un peu. Mais il y a tellement de subtilités à prendre en compte qu’on ne peut pas diagnostiquer un TDAH avec un test en ligne en trois questions.
Souvent aussi, des parents viennent nous voir avec des bilans, réalisés sur la base de tests neuropsychologues qui leur ont coûté plusieurs centaines d’euros. Les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS), en accord avec les conférences scientifiques internationales ne préconisent pas ces bilans systématiques.
Le diagnostic ne peut être QUE clinique et porté par un professionnel. Il s’appuie sur un triple entretien réalisé par le psychiatre : d’abord avec les parents et l’enfant ; puis avec l’enfant seul, qui ne raconte pas forcément les choses de la même façon ; et enfin à nouveau à trois, pour donner des pistes d’adaptation.
Déficit attentionnel, distractibilité, difficulté à réguler ses émotions, hyperactivité physique ou mentale : les symptômes du TDAH sont relativement simples. Mais il faut retracer leur apparition, leur évolution. Et surtout, évaluer leur sévérité et leur retentissement quotidien. Il faut aussi pouvoir les différencier, car ils peuvent être associés à d’autres troubles : une anxiété, des troubles du sommeil, des troubles spécifiques des apprentissages, ou d’autres TND (troubles du neurodéveloppement) aux symptômes ressemblants à ceux du TDAH.
TDAH : non, ce n’est pas un phénomène de mode
Y a-t-il plus de personnes avec TDAH qu’autrefois ?
Probablement pas. Tant que les enfants travaillaient, aux champs ou ailleurs, et cela a longtemps été le cas, ils étaient concentrés sur une tâche particulière, mission adaptée aux enfants TDAH. Mais à l’école, dans un environnement de règles et de contraintes, et dans des classes où les éléments distracteurs sont nombreux, on a vu apparaître ce que l’on a appelé des « distraits », des « étourdis » ou des « désobéissants »…
Certains parents s’entendent pourtant parfois dire, y compris dans des centres médico-psychologiques, que le TDAH n’existe pas et qu’il serait question de mauvaise éducation. Comment l’expliquez-vous ?
Il faut rappeler que la psychiatrie des enfants et des adolescents est une discipline encore jeune. Elle n’existait pas avant la Seconde Guerre mondiale. Les enfants ont longtemps été classés en deux catégories : ceux qui allaient bien, et les autres, globalement considérés comme « idiots ». Et puis on s’est progressivement aperçu que certains de ceux-là avaient des troubles – dyslexie, autisme, dépression, TDAH – que l’on pouvait prendre en charge.
À mesure que l’on a mieux compris les mécanismes psychopathologiques et cognitifs des TND (troubles du neurodéveloppement), on a compris que leur cause principale n’est pas un environnement parental défaillant. Si des réticences à l’admettre demeurent chez un certain nombre de praticiens, c’est parce qu’ils n’ont pas actualisé leur manière de voir. Ajoutez-y qu’il n’est pas toujours évident de faire la part de ce qui est environnemental et ce qui ne l’est pas, face à des parents désemparés par le comportement de leur enfant. Sont-ils perdus parce qu’ils ne savent pas être parents, ou parce que leur enfant a des difficultés qui nécessitent d’adapter les méthodes éducatives ? La distinction n’est pas toujours simple.
Propos recueillis par Claudine Proust, publiés en intégralité sur le site du magazine Zèbres & Cie
Découvrez Zèbres & Cie, le magazine de la neurodiversité
Ce nouveau magazine lancé le 10 octobre 2024 s’adresse aux personnes neuro-atypiques et à leurs familles. Les « zèbres » sont les personnes dys, avec un TDAH, un TSA, HPI, qui les font sortir de la « norme ». Ils représentent 15 % de la population. Comme les zèbres dans la savane, ils sont nombreux mais pas un ne porte les mêmes zébrures que son voisin…
Dans ce premier numéro :
- Noah Lyles, champion olympique du 100 mètres aux JO de Paris, parle de son TDAH et de la manière dont il a capté cette « incroyable vitalité » pour devenir un des hommes les plus rapides du monde.
- Glenn Viel, chef triple-étoilé et jury de Top Chef explique comment sa dyslexie n’a pas été un obstacle à son succès – mais au contraire un moteur.
- Une enquête se penche sur le harcèlement des enfants atypiques à l’école et donne des clefs pour aider les parents à le prévenir.
- La rédaction a débunké la promesse des lunettes et dispositifs clignotants pour « aider à la lecture des dys », a interrogé la croyance psychanalytique sur la « responsabilité des mères », ainsi que la corrélation réelle ou fantasmée des écrans et des troubles de l’apprentissage.
- Des pages pratiques avec 50 propositions de lieux de culture (théâtres, cinés, musées, opéra ou danse) qui proposent des « plus » pour les personnes neuro-atypiques, des pages sports, des témoignages.
Une véritable boîte à outils pour toutes les personnes neuro-atypiques et leurs familles.