Les mythes, contes et légendes à l’école

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Les programmes pour l’école incitent les enseignants à lire ou à faire lire les œuvres du patrimoine littéraire afin de s’en imprégner pour construire une culture littéraire.

Dans le même temps, au cycle 3, le législateur rappelle la nécessité de développer le plaisir de lire. Souvent, les enseignants voient dans cette double injonction une contradiction, car les textes issus du patrimoine sont réputés exigeants et complexes donc a priori incompatibles avec le plaisir de lire. Qu’en est-il réellement ?


Vecteur d’apprentissage

Les récits mythiques, par les valeurs qu’ils drainent, sont un vecteur d’ap­prentissage intéressant :
• pour la construction de la culture (l’intégration à une identité culturelle), puisqu’ils sont à l’origine des grands thèmes développés par la littérature ou les arts ;
• pour l’éducation à la citoyenneté, autre élément clé de l’enseignement, parce qu’ils sont révélateurs de l’ap­partenance à une communauté ;
• pour l’aide aux élèves en difficulté, pré­cisément parce que ces récits posent de vraies problématiques ancrées au plus profond de l’humain. Ils portent donc des éléments structurants pour l’individu ;
• pour découvrir le monde parce qu’ils permettent une médiation d’échanges interculturels (et intergénérationnels), facilitant la prise de conscience de l’universel sous le particulier.


Renouer avec l’oralité

Le magazine Belles Histoires en partena­riat avec La joie par les livres, permet aux jeunes lecteurs de découvrir des contes classiques, en reprenant les ver­sions les plus proches de l’original. La rubrique, intitulée « Le petit théâtre des grands contes », renoue avec la tradi­tion orale, puisque le livret du conte est accompagné d’un théâtre de carton à construire et qui peut être animé. Une version audio est aussi disponible sur le site bayardKids. On pourra donc lire ces textes, permettre aux élèves de se les approprier par le jeu et l’écoute, instal­ler un atelier écoute autonome à partir du téléchargement sur bayardKids.

À l’école maternelle et au début du cy­cle 2, il s’agit de s’approprier les motifs littéraires liés à ces textes :
• personnages stéréotypés et mani­chéens qui facilitent l’identification du jeune lecteur-auditeur ;
• problématiques qui favorisent l’initia­tion du héros, son passage d’un univers dans l’autre ;
• construction de l’intrigue aboutissant par différentes épreuves à la résolu­tion systématique des difficultés vécues par le héros.
L’enfant est donc rapidement mis en ca­pacité d’anticiper la lecture pour mieux comprendre. Il structure sa connaissance de ce type d’écrit. En outre, on installe une modalité d’apprentissage de l’écoute de textes exigeants sur le plan linguisti­que, mais qui enrôlent l’enfant par la force des thématiques développées.


Expliquer l’origine des mondes

L’enfant est, comme tout être, confronté à la grande question philosophique et éthique de son origine. La dimension universelle du conte étiologique permet de l’aider à construire de solides connais­sances et d’accéder à la dimension symbolique de la littérature comme moyen d’expliquer le monde et de justi­fier sa propre existence.

Ainsi le recueil de contes des origines, Adama N’Diaye, le tout premier griot du monde (A. Korkos, Bayard Jeunesse) propose un ensemble de quatre contes issus de la tradition Wolof, une ethnie installée au Sénégal, en Gambie, Mau­ritanie et au Mali. Ce que nous trouvons particulièrement riche pour une classe et qui permet un véritable renouvelle­ment d’un genre souvent travaillé à l’école, c’est le conte introductif. Il don­ne son titre et tout son sens à l’œuvre.

En effet, il installe l’étiologie de la nar­ration, par la construction de l’origine du griot lui-même, qui libère les histoi­res (enfermées dans un baboab). Il faut inciter les enseignants à observer ces contes autrement que sous l’aspect structurel (une histoire qui répond à la question pourquoi et qu’on va tenter d’imiter avec plus ou moins de bonheur dans une production d’écrit très norma­tive). Ils amèneront alors les élèves à comprendre le sens de ces écrits en cher­chant à répondre à la question : « Pourquoi a-t-on inventé ces histoi­res ? » Ainsi ils les prépareront progressivement au travail qu’ils feront en 6ème autour de la lecture des textes fondateurs.
La découverte du personnage d’Adama N’Diaye, endormi « une centaine d’an­nées ou un peu plus », au fond du trou d’un baobab empli d’histoires qui ne demandent qu’à être libérées, est à cet égard très féconde.


D’autres entrées fécondes

Pour enrôler les enfants dans les récits, on utilisera aussi :
• la mythologie gréco-romaine, fonda­trice de la culture européenne ;
• les détournements de contes qui renouvellent le genre et l’aident à trouver des échos motivants pour une lecture individuelle.
Ainsi, Le feuilleton d’Hermès (M. Szac, Bayard Jeunesse) raconte la mythologie en 100 épisodes. Un ouvrage incon­tournable à faire découvrir aux élèves par des lectures qui offrent jour après jour les différents épisodes mythologi­ques. Comprendre qui est Cronos avant d’aborder Le Petit Poucet et découvrir l’ogre permet une structuration de la culture et une meilleure appropriation des personnages et de la manière dont ils ont été inventés. On structure ainsi la notion de stéréotype.

Nos élèves de cycle 3 seront alors mieux armés, pour découvrir un ouvrage com­me Les Émerveillantes Aventures des six grands frères du Petit Poucet (T. Leclère, Bayard Jeunesse). Conte philosophique pour enfant, qui prolonge l’œuvre tradi­tionnelle en abolissant l’espace et le temps et en mettant en perspective la littérature d’hier et d’aujourd’hui.

Par Agnès Perrin, agrégée de lettres modernes, professeur à l’IUFM de Créteil.

Des problématiques ancrées au plus profond de l’humain.

Retrouvez le PDF: « Mythes, contes et légendes à l’école » ici.