Participer à un concours avec sa classe

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Concours, jurys, prix littéraires présen­tent un intérêt important pour la motivation des élèves. La dimension compétitive mais ludique attise le désir et l’intérêt de chacun.

 

Si le règlement du concours est bien conçu et si son en­jeu est bien défini, cette activité peut aussi être porteuse d’apprentissages. Pourtant, les enseignants ont parfois des réticences à s’engager dans ce type de défis. Comment intégrer ce travail dans la programmation des notions à acquérir ? Comment organiser la parti­cipation de tous les élèves pour rendre ce travail particulièrement efficace ?


Trois défis, trois types de compétences

Les magazines Bayard proposent chaque année des concours s’adressant à des élèves de toutes les tranches d’âge. Trois d’entre eux ont retenu notre attention. Ils mettent en jeu des compétences très diversifiées mais vont tous les trois permettre de développer des compétences en lien avec les pro­grammes pour le cycle 3.

Je bouquine – avec le ministère de l’Édu­cation Nationale – invite chaque année les enfants et adolescents de 9 à 15 ans à écrire la suite d’un texte débuté par un écrivain reconnu. Cette année, c’est Philippe Claudel qui commence le récit…

Images Doc propose une incursion dans le patrimoine régional pour le moins ori­ginale en incitant les élèves à présenter un lieu (monument ou paysage) consi­déré comme patrimonial et à réaliser un reportage présentant dix photographies et des textes pour les accompagner.
J’aime lire, quant à lui, comme chaque année, propose de participer à un jury littéraire : le Bonnemine d’or. Il s’agit d’élire le meilleur roman de l’année paru dans le magazine.


Le concours littéraire de Je bouquine

En 2011, cette épreuve consistait à rédiger la fin d’un récit commencé par Philippe Claudel, l’auteur des Âmes grises. Elle permet donc de mettre l’élève en situation d’écriture littéraire, comme le suggèrent Catherine Tauveron et Pierre Sève1. Dans cette activité, les élèves sont amenés à travailler autant la lecture-compréhension du texte initial que l’écriture elle-même. L’intérêt de ce travail réside essentielle­ment dans l’authenticité de la situation qu’il impose. En effet, l’intentionnalité est un maillon important de la produc­tion d’écrit. Les textes littéraires visent la publication et mettre chaque élève en véritable posture d’auteur est donc une situation qui reste la plupart du temps particulièrement artificielle. Ici, le projet initie un véritable destinataire et im­plique donc une situation énonciative claire : on écrit pour être lu par les membres d’un jury qui désigneront les textes les plus intéressants.


La complexité du texte

Le concours s’adressant à des écoliers ou collégiens de 9 à 15 ans, le texte initial pourra paraître difficile pour les plus jeunes élèves. Il est donc nécessaire de proposer, en amont de l’écriture, un véri­table travail de compréhension et d’interprétation du texte. Deux aspects doivent être nécessairement pris en compte dans l’écriture :

  • la situation énonciative (qui sont les personnages ? Dans quel lieu évoluent-ils ? Quel but poursuivent-ils ? Comment sont-ils hiérarchisés ?) qui est définie par ce début de récit est dévoilée progressi­vement avec beaucoup d’implicites ;
  • la langue du récit, très poétique, pré­sentant la misère avec une pudeur qui permet d’éviter une vision trop pathé­tique, misérabiliste de la vie de ces enfants nés dans les bidonvilles cô­toyant chaque jour les inégalités du monde moderne.

Pour permettre aux élèves de prendre en compte ces deux paramètres essentiels, il sera nécessaire qu’ils puissent expri­mer – avant de tenter d’entrer dans la compréhension-même du texte – leur perception subjective de cet écrit. On pourra répartir le travail sur les trois mois consacrés au concours : le premier sera essentiellement destiné à la com­préhension du texte et à l’appropriation de la poétique de Philippe Claudel. Les élèves seront incités à entrer dans son écriture par la recherche d’images, de phrases, de mots qu’ils pourront réutili­ser dans leur écrit.


S’approprier les matériaux

Une première lecture silencieuse, suivie d’une (ou deux) lecture(s) magistrale(s) expressive(s) permettra(ont) à chacun d’entrer dans l’univers du récit. On pourra alors demander aux élèves de donner leur point de vue sur le texte : qu’ont-ils ressenti à la lecture ? Quels sont les aspects qui les ont le plus mar­qués ? Quelles phrases ont plus particulièrement retenu leur intérêt ?

On pourra ensuite mettre en place un carnet personnel d’écrivain dans lequel les enfants seront incités à collecter ou à proposer des mots, des phrases, des images qu’ils réinvestiront ensuite dans le texte. Chaque jour (ou à minima deux fois par semaines), on mutualisera leurs découvertes ou leurs inventions dans un échange. Chacun pourra ainsi enrichir sa moisson par les travaux des autres. Il est intéressant que l’enseignant joue aussi le jeu en inscrivant essentielle­ment dans son carnet des expressions empruntées à ses lectures personnelles en dehors de la classe. Ainsi, les élèves prendront conscience que la lecture ap­partient à la sphère privée, mais qu’elle peut enrichir le travail scolaire.


Définir précisément le cadre

Dans un deuxième temps, on travaillera la situation proposée par le texte d’ori­gine. On pourra aboutir à des prises de notes sous forme d’affiche mettant en évidence :

  • Les deux mondes qui s’opposent (par des relevés d’indices et la construction de phrases conclusives qui les définissent).
  • Les personnages : Mina, Tio, mais aussi le chat et la petite soeur (qui seront des acteurs essentiels puisqu’ils sont cités par Mina). On identifiera leur tempéra­ment, leur caractéristique (notamment le handicap de Tio) et les liens qui les unissent.
  • La réalité dans laquelle ils vivent : la re­cherche dans les déchets, le tri, la hiérarchisation dans la misère etc.
  • Le but poursuivi par Mina et le projet qu’elle imagine : la traversée de la ville bourgeoise (« sans même un regard pour ses fausses beautés et ses richesses inso­lentes »), l’arrivée au port, le bateau, les trois pièces qu’elle a réussi à isoler (etc.)
  • Le moyen de locomotion.

Imaginer chaque étape

Une fois ce travail minutieux réalisé, il faudra imaginer un ou plusieurs scéna­rios possibles. Où doit les mener le bateau que Mina veut prendre pour s’envoler ? Comment prendre en compte ce titre particulier : les enfants s’envole­ront-ils réellement, métaphoriquement ou le projet ne restera-t-il qu’un rêve ? Comment vont réagir les personnages secondaires qui, dans le texte de Claudel, n’apparaissent qu’en filigrane ?

Il sera donc nécessaire de programmer des rédactions intermédiaires d’étapes du récit afin de réviser régulièrement le ou les scénario(s) imaginé(s). Il faudra ensuite parvenir à un accord collectif, non centré sur une approche démocra­tique des choix (qui plaisent à la majorité) mais aussi sur une argumenta­tion au regard des deux contraintes exprimées précédemment. Enfin, on pourra inciter aussi les élèves à postuler seuls pour une candidature in­dividuelle, en insistant sur le fait que le texte personnel ne doit pas reprendre celui proposé par la classe.

 1. Vers une écriture littéraire ou comment construire une posture d’auteur à l’école de la GS au CM, Hatier, 2005.

Vous trouverez dans le texte complet (ci-dessous) des pistes de travail pour participer avec sa classe au concours « Photographie le patrimoine » d’Images Doc et au prix littéraire de J’aime Lire, le Bonnemine d’Or.

Par Agnès Perrin, agrégée de lettres modernes, professeur à l’IUFM de Créteil.